Tina Turner Rio '88 : Anatomie d'une grande télécommande

Après avoir enregistré la performance de Tina Turner devant la plus grande foule jamais réunie pour entendre un artiste, Randy Ezratty a partagé l'expérience dans les pages de Mix.

Par Randy Ezratty ⋅

Cet article, initialement paru dans le numéro de juin 1988 de Mix, a été écrit par Randy Ezratty, alors propriétaire d'Effanel Music à New York.

Les articles sur les projets d'enregistrement à distance racontent souvent comment un enregistrement en direct ou une bande sonore a été réalisé malgré les circonstances dans lesquelles il a été enregistré. Les obstacles qui peuvent entraver ou empêcher l'enregistrement d'un événement en direct comprennent l'inaccessibilité géographique et les conditions météorologiques, les problèmes techniques, les artistes ou producteurs peu coopératifs, la fatigue physique et les privations. En tant que propriétaire d'Effanel Music, basée à New York, une société d'enregistrement à distance spécialisée dans les packages portables mondiaux (en plus des systèmes conventionnels basés sur des camions), j'ai ma part d'histoires de guerre.

Heureusement, de temps en temps, je m'implique dans des projets qui se déroulent si bien que je me rends compte du nombre de variables et d'inconnues qui peuvent être anticipées et contrôlées, ce qui se traduit par un produit final supérieur. Tout comme nous, les gars de l'enregistrement à distance, sommes parfois prompts à blâmer les autres quand les choses ne vont pas exactement (et à nous féliciter d'avoir surmonté les périls susmentionnés), il arrive qu'une grande partie du crédit pour les bons va ailleurs aussi . J'ai choisi d'écrire sur la diffusion et l'enregistrement en direct de Tina Turner sur HBO depuis le Brésil, non seulement parce qu'il existe des exemples de conception et d'exécution audio réussies et innovantes, mais aussi parce que ce travail illustre le résultat positif d'un effort d'équipe. En fait, la société de production de Tina s'appelle à juste titre Teamwork Productions.

En octobre de l'année dernière, j'ai reçu un appel de John Hudson, le propriétaire/ingénieur des Mayfair Studios à Londres. On m'a dit que sa cliente, Tina Turner, allait diffuser son concert de janvier en direct, par satellite, depuis le stade Giant Maracana de Rio. En plus des installations de mixage en direct, ils devaient enregistrer l'émission afin qu'un mixage de post-production raffiné puisse être utilisé pour des rediffusions ultérieures tout au long du mois. De plus, Hudson était en train de produire et de mixer l'album live de Tina qui sortira bientôt (à partir d'enregistrements londoniens) et il voulait avoir la possibilité d'inclure des morceaux du concert de Rio. L'enregistrement devait être de 48 pistes, avec environ 52 entrées de la scène. Je lui ai envoyé des spécifications et une offre basée sur le système portable 48 pistes que nous avions utilisé en 1987 pour Paul Simon au Zimbabwe et pour Peter Gabriel aux États-Unis et en Grèce. Nous venions d'ajouter 48 canaux Dolby SR au système, et je l'ai inclus dans notre forfait. J'ai supposé que la pratique standard consistant à utiliser une seule console d'enregistrement pour les mixages de suivi et stéréo ("moniteur"), avec effets, serait suffisante.

Quelques semaines plus tard, on m'a dit que nous étions partis pour le travail de Tina Turner mais les spécifications avaient changé. En plus de notre système de suivi de base, Hudson nous a demandé de concevoir et de fournir un système de mixage séparé à 52 canaux. Il nous a donné une liste énorme et très exigeante d'équipements de traitement, ainsi que des spécifications pour une carte de mixage ("Il faudra qu'elle soit capable de faire plus de choses simultanément que ma SSL").

Heureusement, John Harris d'Effanel avait travaillé pour Maryland Sound Industries avant de nous rejoindre et connaissait très bien la console de mixage de concert Yamaha PM3000. Il a estimé que même s'il ne s'agissait pas d'une console d'enregistrement, ses nombreux sous-groupes VCA, bus d'effets et matrices en feraient la carte de mixage live-to-air idéale. AT / Scharff Rentals disposait d'un PM3000 à 40 canaux ainsi que d'une carte Yamaha plus petite pour des canaux supplémentaires. AT / Scharff a joué un rôle important dans ce travail en ce sens qu'ils ont fourni une grande partie de l'équipement de mixage et l'ont mis à disposition pour des tests et une interface avancés avant son départ de New York.

Hudson a approuvé les spécifications révisées du système étendu et a élaboré un plan de match. Trois semaines avant le spectacle, nous avons reçu une liste d'entrées de Dave Natale de Clair Brothers, l'ingénieur maison de Tina, ainsi qu'une documentation d'Hudson qui spécifiait la disposition de 48 pistes plus chaque nuance (jusqu'au dernier cordon de raccordement) du système de mixage. Il nous a même envoyé des masters de 48 pistes des concerts de Tina à Londres afin que nous puissions avoir une idée de ce que nous allions enregistrer.

Hudson a estimé à juste titre que nous, l'équipe d'enregistrement, étions les plus qualifiés pour concevoir et mettre en œuvre l'interface scénique, la fusion du public et le suivi de base, et qu'il se concentrerait davantage sur son mix live (plutôt ambitieux).

Chez Effanel, nous avons réparti diverses responsabilités à ce stade. Mark Shane devait gérer l'interface de la scène à l'enregistrement ainsi que la maintenance globale du système. J'ai pris la responsabilité de l'enregistrement SR 48 pistes et John Harris était en charge du système de mixage. L'ingénieur du personnel de Mayfair, Mike Ging (bon nom d'ingénieur) accompagnerait Hudson pour aider avec les signaux d'effets.

Le système est arrivé à Rio six jours avant le concert. Le réseau de télévision brésilien, TV Globo, fournissait des installations vidéo à distance pour le tournage de 16 caméras. Ils nous ont également fourni un magnifique conteneur modulaire en acier de 20 × 24 pieds placé à 280 pieds derrière la scène, sous les sièges. Ce conteneur isolé et climatisé servait de salle de contrôle à double système. De nombreux autres conteneurs similaires ont été fournis pour les installations de liaison montante vidéo et satellite.

L'interface avec le micro de scène de Clair Brothers était un jeu d'enfant. Ils ont fourni un micro câblé séparé de leur boîtier d'entrée de scène à un ventilateur de 50 pieds. Cela nous a permis de placer notre boîte de saisie hors de la scène, bien à l'écart de tout le monde. Bien que nous soyons toujours prêts à placer notre système d'entrée sur scène, en prenant l'alimentation directe pour nous-mêmes et en donnant à la sonorisation la séparation du transformateur, nous avons décidé sur celui-ci de prendre l'alimentation et de nous donner la séparation isolée du transformateur. Nos transformateurs Jensen sonnent bien, et cela nous a empêché de déranger les choses sur scène.

Une fois de plus, le haut calibre des personnes avec lesquelles Tina Turner choisit de s'entourer était évident dans son équipage Clair Brothers. Le succès ou l'échec d'un enregistrement en direct peut dépendre en grande partie de l'équipe de production du concert de l'artiste, en particulier de l'équipe de son (c'est peut-être pour cela que tout le monde chez Effanel est un ancien mixeur de son en direct). Nous avons toujours eu de bonnes expériences avec les équipes de Clair et celle de Tina n'a pas fait exception. Cette équipe de sonorisation avait une meilleure maîtrise de l'enregistrement en direct que beaucoup d'ingénieurs du son que nous rencontrions.

La traite du public était un peu une épreuve. Le stade Maracana est le plus grand du monde, et on nous a dit que nous allions attirer la plus grande foule jamais réunie pour entendre un artiste se produire - "et il vaut mieux que ça sonne comme ça".

Près de 200 000 Brésiliens hurlants. Il a fallu deux jours complets (dans une chaleur de 105 degrés) pour parcourir le demi-mile de câble qu'il a fallu pour placer 10 microphones d'audience en paires stéréo à des distances variables de la scène. Les 10 micros étaient sous-mixés et limités (une formule empruntée à l'ingénieur de Peter Gabriel, Kevin Killen) à quatre pistes.

John Hudson craignait qu'en élevant le niveau de la foule pendant le spectacle, il n'obtienne trop de saignement de sonorisation, perturbant ainsi son équilibre de mixage. Par précaution, nous avons fait applaudir la foule et crier "Tina Turner" avant le spectacle (sans que rien ne sorte de la sonorisation). Un bel échantillon long de ces acclamations aléatoires a été enfermé dans un AMS stéréo pour une utilisation éventuelle pendant le mix TV en direct. Il s'est avéré que la foule a maîtrisé la sonorisation sur les micros du public. Notre échantillon de 180 000 voix était inutile (et inutilisé).

Le plan d'enregistrement/mixage simultané de John Hudson avait du sens sous tous les angles :

Il a été décidé que la meilleure façon de fournir un signal simultanément aux systèmes d'enregistrement et de mixage final était d'amplifier et de bus les signaux du micro pour le suivi, puis de diviser la sortie de piste simultanément vers les enregistreurs multipistes et, au niveau ligne, vers la console de mixage final. . La sortie Dolby "To Console" a été choisie comme point de partage.

Il y avait quelques bonnes raisons de choisir cette méthode plutôt que de diviser les microphones deux fois (alimenter le système de mixage final des 52 entrées au niveau du micro). Premièrement, nous avons estimé que les préamplis micro de notre console d'enregistrement sonnaient mieux que ceux de la console de mixage. Deuxièmement, cela a rendu les choses plus faciles et plus rapides pour Hudson de recevoir des "pistes" prémixées et des paires stéréo. Et troisièmement, cela nous a donné l'occasion inestimable d'enregistrer la répétition générale de Tina Turner la nuit précédente, puis, en rejouant simplement l'enregistrement de 48 pistes à travers les Dolbys, de répéter le mixage en direct (avec l'incroyable fidélité "line-in" de SR) autant que nous le voulions avant le spectacle du lendemain.

L'émission sonnait bien. Il s'est avéré qu'aucune post-production audio n'était nécessaire. Notre session de mixage, prévue pour le lendemain, était en fait une soirée d'écoute. Heureusement, tout notre travail acharné et notre préparation minutieuse ont porté leurs fruits. Comme il se doit, le concert lui-même était la partie la plus facile du projet.

C'était vraiment une soirée très spéciale : feux d'artifice, hélicoptères équipés de caméras et une foule record chantant avec Tina Turner. C'était excitant de faire partie d'un tel sommet dramatique dans son incroyable carrière.

Randy Ezratty

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